Mise en soufflerie
Description générale de la campagne et objectifs
La campagne en soufflerie a eu lieu en juin 2010, a duré 12 jours et a clôturé le projet Supaero. Elle a eu lieu à la soufflerie S4 de l'Ensica, une soufflerie à veine ouverte elliptique de section 2m*3m. Une équipe composée de 4 personnes y travaille à plein temps pour la mise en place de la maquette, de la chaîne d'instrumentation, la mise en marche de la soufflerie, l'enregistrement des résultats etc. L'équipe projet n'est là que pour donner ses exigences de mesure et interagir avec le déroulement des essais.
La salle de pilotage de la soufflerie se trouve sous la veine d'essai, ainsi que tous les calculateurs d'acquisition et de traitement. Une caméra braquée sur la maquette et pilotable depuis la salle de contrôle permet de suivre l'essai en direct sur un écran. Chaque essai est minutieusement décrit dans un carnet de bord, afin de ne rien perdre lors du dépouillement des résultats. Toutes les mesures sont acquises simultanément et enregistrées automatiquement.
La turbine de l'éolienne n'était pas comprise dans le projet (qui était suffisamment dense !), aussi les objectifs de la campagne étaient les suivants:
- Trouver le calage angulaire des pales donnant le meilleur rendement
- Identifier la vitesse spécifique (TSR) de fonctionnement de l'hélice
- Observer la marche générale de l'hélice (vitesse de vent de démarrage, vibrations...)
- Mettre en évidence la caractéristique débit-dépression de l'éolienne en laissant rentrer l'air plus ou moins dans le mât
- Chiffrer les pertes de charge interne (dans un tuyau rectiligne et dans le coude) pour comparer à la théorie
- Chiffrer le rendement en air du système (produit débit volumique * dépression) sur le meilleur point de marche de la pompe
- Visualiser le sillage grâce à l'injection de fumée devant l'éolienne et à l'intérieur de celle-ci
- Mesurer la poussée de l'hélice sur un régime nominal de fonctionnement, et pour différentes orientations par rapport au vent
- Mesurer les vitesses induites axiale (freinage du vent) juste derrière le disque hélice
Les montages et mesures associées
Deux montages différents ont été soufflés, le premier pour les objectifs 1 à 7 précédents, et le second pour les objectifs 8 et 9.
Le premier montage a représenté l'essentiel de la campagne (les 2 photos du haut au début de l'article, et le schéma ci-dessous). Il s'agissait de disposer l'éolienne horizontalement, et de la prolonger afin que l'aspiration du mât se produise hors de la veine d'essai.
Degrés de liberté de la configuration:
- Calage angulaire des pales
- Position de la vanne (8 positions entre ouverture et fermeture)
- Force du vent soufflerie
Mesures effectuées:
- Vitesse de rotation hélice (tachymètre laser)
- Prises de pression statiques/totales (en rouge sur le schéma)
- Mesure du débit (débitmètre constitué par le premier tronçon)
- Force du vent soufflerie
Le second montage a été réalisé les derniers jours, en vue de mesurer la poussée de l'hélice pour différentes orientations de cette dernière par rapport au vent, en vue de comparer à la poussée prévue par la théorie de Betz. Le temps a manqué, en revanche, pour mesurer les vitesses induites axiales au niveau du disque hélice. Cette dernière mesure a été remplacée par un balayage de mesures de vent à 1m30 en amont de l'hélice, afin de voir si la mesure du vent soufflerie n'était pas perturbée par la présence de l'éolienne (et c'était le cas...).
Degrés de liberté de la configuration:
- Calage angulaire des pales
- Orientation de l'éolienne par rapport au vent
- Force du vent soufflerie
Mesures effectuées:
- Vitesse de rotation hélice (tachymètre laser)
- Poussée axiale de l'éolienne en Newtons
- Force du vent soufflerie
Le principal problème rencontré
Comme on pouvait s'y attendre, mettre une hélice d'1m50 de diamètre dans une veine ne mesurant que 2m*3m (schéma frontal ci-contre) allait conduire à des effets de bord importants. C'est ce qu'on a pu d'abord constater avec les essais fumigènes (photos ci-dessous) : le sillage aval de l'éolienne n'avait pas assez de place pour s'épanouir librement. Comme le prévoit la théorie de Betz, le vent freine à la traversée de l'éolienne, ce qui a pour effet d'élargir le flux d'air, par conservation du débit. Cet élargissement est évalué à 40% sur le point de rendement optimal (le fameux 0.593), ce qui porte le diamètre du sillage aval à 1.4*1m50 = 2m10... ce qui est plus large que la hauteur de la veine. Les photos montrent que même sur la largeur le sillage, en forme de tonneau, était fortement perturbé.
Cet effet "bouchon" de l'éolienne dans la soufflerie a confirmée par un balayage de mesures de vent dans un plan amont situé à 60cm de l'hélice. ce balayage a montré de forts gradients transversaux, avec un vent très freiné au centre et très accéléré sur les côtés.
Ceci a 2 impacts majeurs:
- Le premier est que l'hélice ne fonctionne pas sur le régime prévu. L'incidence du vent sur les pales est grandement modifié par rapport au plein air et le vrillage n'est plus du tout adapté. Le rendement du système est totalement faussé.
- Le second est que la mesure du vent, effectuée à 1m30 en amont de l'hélice et près de la paroi, a surestimé ce dernier tout au long de la campagne, sous-estimant par là-même le rendement de l'éolienne.
Un rendement en air a néanmoins été établi, mais ces constatations nous ont donné la conviction qu'il fallait tester l'éolienne en plein air en haut d'un mât pour observer son réel fonctionnement. Cette hélice a été en effet dessinée par Jean Andreau pour fonctionner en plein air, avec la prise en compte des phénomènes de sillage identifiées par l'inventeur.
Conclusion et résultat
La campagne s'est avérée passionnante et riche en enseignements. Surtout, elle nous a permis de faire tourner l'éolienne à grande vitesse (1000 rpm) sans problème majeur ! Résoudre quotidiennement des problèmes mécaniques, aérodynamiques et instrumentaux nous a permis de tirer les conclusions suivantes:
- L'hélice s'est montrée d'une grande régularité, fonctionnant à un TSR quasi constant pour tous vents et voisin de 7.5. Etant libre, elle démarre pour des vents de moins de 1m/s. Quelques vibrations ont été observées aux vents multiples de 3m/s. Son Cp a été évalué à 0.45 à 10m/s de vent avec un coefficient de poussée Ch de 1.5. Le Cp maximum de Betz est de 0.59, avec un Ch de 0.89 et qui ne peut dépasser 1 selon cette théorie. Ceci confirme les problèmes hélice/soufflerie détaillés plus haut, et nous incite à réévaluer ces résultats en plein air.
- Les pertes de charge internes sont minimes, comme prévu, et ont lieu essentiellement dans les pales où la section de passage est plus réduite.
- Les cloches débit-dépression ont été clairement identifiées, et nous donnent un rendement en air affiché en noir sur le graphe ci-dessous (résultat à prendre avec des pincettes étant donné le problème hélice/soufflerie). Il devra être multiplié par la suite par le rendement de la turbine à air. A 10m/s de vent on obtient environ 2400 Pa de dépression pour un débit d'air de 90 litres/s.